Blues on and on rythming
Je savais bien que j'aurais beau faire, le vendredi soir arrive et j'ai le coeur à flot, noyé même tu vois. J'aurais dû être là bas comme toujours ce week end. On aurait été te chercher sans rien te dire et je t'aurais attendu sur les marches, comme je faisais toujours, le vieux Max assis sur mes orteils.
J'aurais passé des heures sur la route à imaginer tes yeux rieurs, ton sourire que tu cachais si bien dans ta barbe impeccablement taillée et ton air étonné, le sourcil relevé sous ton éternel chapeau vert. Tu aurais dit "ohhh" et j'aurais laissé ton vieux compagnon filer pour te faire la fête. Tu aurais dit comme toujours "sit down Max!" et tu aurais pris le temps de rentrer ta voiture dans le vaste garage dont la porte te créait toujours des soucis qui me laissais morte de rire.
Et puis, mais tu sais bien, tu aurais joué l'étonné devant tout le monde réunis, tous jaillissant des pièces en te criant "happy birthday". On se serait assis en rond autour de toi, juste sous l'énorme lustre de cristal ou Paul se serait encore cogné la tête comme toujours et Jenny aurait sorti les verres de champagne tandis que Douglas aurait fait sauter le bouchon. Tu aurais déballé tes cadeaux à grands renforts de ohh et de ahh, ces cadeaux que tu nous avais tous si bien appris à faire, toi qui savais passer des mois à chercher l'objet rare qui était fait pour chacun de nous. Et puis, longtemps après, on aurait sorti ce gateau incroyable que j'arrivais toujours à créer à grand renfort de décorations sculptées et colorées comme tout les birthday cake qu'on faisait quand tu étais là.
Et puis, quand tous ils seraient partis on aurait pris la clef des champs toi et moi et dans le silence du soir on aurait conversé longuement tout en sillonant Preston park envahi par les écureuils et les renards et on serait rentrés se siroter un chivas sans glace. Je n'en ai plus jamais bu depuis tu sais, depuis le soir où j'ai vidé ta bouteille juste après t'avoir dit au revoir. Tu vois, rien que de l'écrire, j'ai devant mes yeux embrumés toutes ces images aussi claires qu'hier, hier quand tu étais là. Cinq ans déjà que tu es parti, que tu as fermé ton parapluie comme tu disais si souvent, cinq ans énormes où tu me manques toujours autant. Tu m'aurais grondée sans nul doute d'être si bluesy, mais ce wk si loin de tout cela, j'ai l'âme volatile et la solitude au coeur tant je manque de toi.
Tu prenais des airs détachés, tu te souviens, quand je te disais que tu étais le grand homme de ma vie, ou tu disais "sacrée gamine va" car je te bousculais. C'est vrai qu'il nous en avait fallu de temps n'est ce pas pour nous dire "je t'aime". Cette éducation vieille France que tu avais eu nous a bien donné du fil à retordre et puis mon fichu sale caractère si pareil au tiens comme tu disais avec un brin d'amusement et de fièreté dans ta voix. Je n'étais pas Max moi, alors marcher au pied et obéir au doigt et à l'oeil ça ne fonctionnait jamais... Il en a fallu bien des années et bien des fessées, bien des douleurs et des silences pour qu'enfin toi et moi ou puisse se faire la paix et se parler de coeur à coeur. Bien du temps pour que tu avoues tout ce que tes yeux me disaient et que ton fichu caractère t'empêchait de dire et que le mien tout pareil puisse enfin écouter.
Alors ce week end tu vois je repense à tout cela, je repense à tout ce que tu m'as appris, à tout ce que tu m'as donné, j'ai le vague à l'âme et tu me manques. Je fais comme toi encore une fois, je m'isole et je m'envole tout là bas dans nos souvenirs, alors que je n'ai qu'une envie, c'est de tendresse et de bras amis pour pleurer. Fichue retenue tout de même qu'on a là toi et moi.
Happy birthday and God bless you my Father...